Biomasse : conquérir le marché québécois un projet à la fois

Guillaume Roy
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Alors que le marché de la biomasse explose en Europe, il tarde encore à prendre son plein envol au Québec. Malgré les faibles coûts de l'hydroélectricité et du gaz naturel, la demande continue à croître tranquillement et les projets se multiplient, particulièrement en région, où la ressource est abondante et facile d'accès. Portrait de la situation au Lac-Saint-Jean.

Depuis 2010, CFG Énergie, une filiale de la Coopérative forestière de Girardville, a réalisé 22 projets de chauffage à la biomasse pour un total de 35 bouilloires. Annuellement, ces installations représentent une consommation de 750 tonnes de biomasse et une économie de 158 000 $ par rapport aux infrastructures au mazout. Sur le plan environnemental, ça représente une réduction annuelle de 890 tonnes de gaz à effets de serre (GES), soit l'équivalent de 222 voitures. Et depuis la relance du nouveau Programme de biomasse forestière résiduelle lancé en novembre dernier, une dizaine d'autres projets sont sur la table.

« L'énergie produite avec de la biomasse est compétitive sur le marché si on fait des comparaisons avec le mazout, le propane et l'électricité. Pour l'instant, il n'y a que le gaz naturel qui est moins cher. Par contre, les équipements pour chauffer à la biomasse sont plus chers », explique Enrico Lavoie, directeur au développement des affaires pour CFG-Énergie. À long terme, les investissements sont rentables, mais les entreprises sont souvent plus frileuses lorsqu'il faut huit ans pour amortir les frais de l'investissement.

Les subventions accordées par le gouvernement font en sorte que la période d'amortissement passe de 5 à 8 ans à 3 à 5 ans. « Les subventions du gouvernement sont très intéressantes, souligne Gino Fortin, copropriétaire du Centre du Sport Lac-Saint-Jean. Ça nous a permis de prendre le virage vert même si les coûts de base sont plus importants ». Des planchers radiants chauffés à la biomasse ont été installés dès la construction de ce commerce de Saint-Félicien en 2012.

De son côté, Clément Allard, propriétaire de Nettoyeur Net Plus, à Normandin, a pris la décision de chauffer à la biomasse pour soutenir l'économie régionale. « C'est sûr que je vais réaliser des économies à long terme, mais je veux d'abord encourager la foresterie. C'est une fierté pour moi et en plus c'est une énergie renouvelable qui est plus écologique. C'est l'avenir », dit-il. Selon ce dernier, plus le nombre d'utilisateurs sera grand, plus les équipements vont s'améliorer et plus les coûts baisseront.

La Commission scolaire du Pays-des-Bleuets a également voulu faire une prise de position politique et écologique en faisant la conversion énergétique de l'école Chanoine-Simard à Dolbeau-Mistassini. « Nos installations sont en location avec CFG Énergie, ce qui fait qu'on avait moins d'investissements à faire, mais on doit payer des redevances. On fait tout de même des économies, mais elles sont légères », explique Dany Gaudreault, technicien en bâtiment pour la CSPB.

Le propriétaire de l'atelier de mécanique 2RL souhaite aussi favoriser l'économie locale. « On veut faire travailler les gens du coin », souligne l'homme qui a comme clients plusieurs entrepreneurs forestiers. Mais, encore aujourd'hui, même si l'environnement et l'aspect social sont importants, l'argument de vente le plus fort demeure l'argent. « Pour les clients qui chauffent au mazout, la conversion à la biomasse peut leur faire économiser plus de 50 % en frais énergétiques », note M. Lavoie.

Quand on parle de chauffage à la biomasse, il y a des avantages économiques, sociaux et environnementaux, ajoute M. Lavoie. « Tous les aspects du développement durable ». Mais pourquoi le développement de la filière tarde-t-il au Québec? « La croissance est modérée, mais il y a un engouement. On doit continuer à mettre des efforts et à soutenir la filière pour percer les marchés. On a commencé avec des petits projets, puis des municipalités et on grossit tranquillement. Quand le prix de l'électricité augmente, c'est bon pour la biomasse. Et éventuellement, le prix du gaz naturel augmentera aussi, ce qui nous donnera un avantage », estime Enrico Lavoie.

Un système intégré

Pour devenir un joueur important dans le domaine de la biomasse, la Coopérative de Girardville a dû revoir plusieurs façons de fonctionner. D'abord, elle a dû intégrer les activités de biomasse à la récolte forestière. De plus, elle a créé la coopérative de valorisation de la biomasse. Puis elle a mis sur pied Résomass, un intégrateur provincial de l'ensemble de la chaine de valeur de biomasse à des fins énergétiques. Plus précisément, Résomass est le distributeur exclusif des bouilloires Okefen et l'entreprise offre un réseau d'approvisionnement, de service technique et d'ingénierie exclusif. « On crée un réseau de masse pour être plus compétitif », explique Enrico Lavoie. Des distributeurs, comme CFG Énergie au Lac-Saint-Jean, font ensuite la vente d'équipements et de granules aux entreprises. Différents distributeurs sont situés au Saguenay, à Québec et dans la région de Montréal.

 Pourquoi chauffer au mazout quand une ressource renouvelable peut faire le même travail à un coût plus faible? Pourquoi devrait-on importer des ressources au lieu de faire fleurir l'économie locale? Et pourquoi ne pas réduire nos émissions de gaz à effet de serre tant qu'à y être?

Ce sont les questions que doivent se poser les entreprises aujourd'hui pour bâtir le Québec de demain. D'un point de vue économique, social et environnemental, le chauffage à la biomasse semble être la solution de l'avenir.


Guillaume Roy, journaliste