Développer des batteries biosourcées, le courant passe avec le bois

Innofibre
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L’avènement des énergies renouvelables et de la mobilité durable est en cours. Cela requiert une production toujours plus importante de batterie pour transporter l’énergie.

Toutefois, leur fabrication comporte peu, voire aucun matériau renouvelable. Le procédé de phosphorylation des fibres du bois, développé chez Innofibre, pourrait inverser cette tendance et faire passer le courant avec le bois.

Le gouvernement du Québec s’est engagé depuis plusieurs années à l’égard du développement des énergies renouvelables et de la mobilité durable, notamment par l’électrification des transports. La périodicité des énergies renouvelables nécessite de stocker l’énergie pour répartir la puissance à travers le réseau uniformément selon la demande. Les batteries aux ions de lithium (Li-ion) présentent dès lors une véritable avancée dans le domaine du stockage énergétique et demeure actuellement la technologie la plus répandue. Les freins majeurs à l’adoption massive des transports électriques sont les coûts et les performances de ces batteries. Lors des analyses du cycle de vie des batteries Li-ion, l’absence de matériaux renouvelables pénalise cette technologie en termes d’émission de gaz à effet de serre (GES). L’utilisation de matériaux biosourcés tels que la cellulose permettra d’atténuer l’impact environnemental des batteries.

Innofibre 7avril22 2Figure 1. Illustration du Plan pour une économie verte 2030 du gouvernement du Québec
Source : https://www.quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/plan-economie-verte/

Une batterie de type Li-ion, est composée de 3 éléments :

  • une électrode positive (cathode), avec un potentiel électrochimique élevé, pouvant être de différentes natures (LiCoO2, LiMn2O4, LiFePO4, etc.), libérant les ions de lithium lors de la décharge et inversement lors de la charge, avec une structure carbonée pour augmenter la conductivité électrique ;
  • une électrode négative (anode), en graphène, composé de titane, silice, etc., capteur d’électrons et d’ions de lithium pendant la décharge ;
  • une solution électrolytique, assurant le transport des ions entre la cathode et l’anode, composée d’un sel de lithium (LiPF6, LiCF3SO3, etc.) dissous dans un solvant organique (carbonate d’éthylène, carbonate de diméthyle, etc.).

Innofibre 7avril22 3Figure 2. Schéma d’une batterie Li-ion avec une cathode de structure lithium-fer-phosphate (LiFePO4)

Actuellement, Innofibre s’intéresse au développement de ces matériaux avec des produits biosourcés grâce au procédé de phosphorylation. Ce procédé permet de greffer des groupements phosphates à la surface des fibres cellulosiques. Ceux-ci vont modifier les propriétés des fibres, leur conférant une forte capacité de liaison électrostatique au niveau des groupements phosphates. Grâce à cette propriété, notamment étudiée pour la décontamination de l’eau en captant les métaux (figure 1), un greffage stœchiométrique (en proportion égale) de fer et de lithium est présentement à l’étude. Ainsi, la structure de cathode privilégiée est la forme lithium-fer-phosphate (LiFePO4) dont les cristaux sont obtenus, après greffage, par un traitement thermique. Au cours de ce même traitement thermique, une structure carbonée conductrice pourrait être formée à partir du squelette des fibres de bois phosphorylées. De plus, ce procédé de phosphorylation favorise aussi la production de nanofibres de cellulose par traitement mécanique. Le matériau alors obtenu est sous forme d’hydrogels (figure 4) ou de gels ioniques, selon le solvant utilisé. Ces gels, grâce à la présence des groupements phosphates à la surface des nanofibres, permettent le déplacement d’ions de lithium et donc, pourraient potentiellement remplacer les solutions électrolytiques actuelles dans les batteries Li-ion. En bref, les ions de lithium peuvent circuler entre la cathode et l’anode de la batterie au cours des cycles de charge et de décharge (voir figure 2).

Innofibre 7avril22 4Figure 3. Utilisation de la fibre phosphorylée pour la décontamination d’une eau chargée en cuivre. A : Pâte phosphorylée ; B : Eau chargée en cuivre ; C : Pâte phosphorylée ayant capté le cuivre dans l’eau lors de la décontamination ; D : Eau décontaminée du cuivre

Innofibre travaille actuellement sur le procédé de fabrication des cathodes cellulosiques et la production d’hydrogels de nanofibres phosphorylées à l’échelle pilote. Ainsi, avec l’expertise développée et la disponibilité de la ressource forestière au Québec, la région pourra contribuer à une transition énergétique toujours plus verte. Ce genre d’innovation tombe à point, avec le développement de la filière batterie à Bécancour au sud de Trois-Rivières et l’arrivée de joueurs importants dans ce secteur d’activité.

Innofibre 7avril22 5Figure 4. Hydrogel de nanofibres de cellulose phosphorylée obtenu après un traitement mécanique des fibres phosphorylées. A : Fibres phosphorylées ; B : Hydrogel de cellulose phosphorylée


La mission d'Innofibre
« Contribuer au positionnement technologique et au développement durable de l’industrie papetière et du bioraffinage au Québec, en soutenant l’innovation et la diversification des produits issus de la biomasse et en adaptant les technologies papetières. »

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David MyjaDavid Myja,
chercheur chez Innofibre