La nanocellulose d'Anomera – du laboratoire universitaire au produit commercial

Source de l'image : Anomera

Martin Fairbank
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Parfois, les barrières mises en place par les avocats spécialisés en propriété intellectuelle pour protéger leur invention conduisent à l'innovation qui aboutit à la mise au point d'un meilleur produit par leurs concurrents. C'est le cas de la nanocellulose carboxylée actuellement produite par Anomera à Temiscaming, au Québec.

Le terme « nanocellulose » est apparu publiquement pour la première fois dans les années 1980 dans une demande de brevet de Rayonier. Bien que Rayonier n'ait pas poursuivi la commercialisation du produit à ce moment-là, la boucle est maintenant bouclée pour ce produit. Rayonier Advanced Materials a fait un investissement initial dans Anomera en 2017 et en est maintenant le plus important actionnaire en détenant une participation avec droit de vote de 44 %.

MF 14juin22 2Anomera a été fondée en 2016 par un groupe de quatre scientifiques dirigés par le professeur Mark Andrews de l'Université McGill à Montréal. Les trois autres sont toujours avec Anomera – Nathan Hordy est vice-président des opérations, Tim Morse est directeur du développement de produits et Monika Rak est chercheuse principale. Comme me l'a raconté Morse, le groupe s’intéressait à développer des applications pour la nanocellulose carboxylée, mais avait du mal à obtenir un échantillon de nanocellulose à partir de pâte kraft fait avec le procédé à l'acide sulfurique sans signer un accord de propriété intellectuelle compliqué. Ils ont décidé d'essayer de faire leur propre version.

La méthode à l'acide sulfurique décompose les zones amorphes de la cellulose pour libérer les nanocristaux de cellulose avec une portion des atomes C6 des formes cycliques de glucopyranose de la cellulose (voir schéma) ayant des groupes sulfate (­OSO3H) au lieu des groupes ­OH. Pour fabriquer de la nanocellulose carboxylée, ces carbones sulfatés doivent être convertis en groupes COOH. En essayant diverses façons d'y parvenir, ils ont découvert un processus beaucoup plus facile et plus respectueux de l'environnement. En ajoutant simplement du peroxyde d'hydrogène concentré à la pâte de cellulose et en appliquant de la chaleur ou de la lumière ultraviolette, ils ont non seulement produit de la nanocellulose carboxylée en une seule étape, mais ont également mis au point un procédé moins dispendieux en capital et en coût d'exploitation, plus sécuritaire que le procédé original, et un procédé qui ne produit que de l'eau comme produit secondaire !

Andrews et Morse ont breveté le procédé et ont enregistré DextraCel™ comme nom de leur produit, et la nouvelle société a commencé à planifier comment peaufiner et mettre à l'échelle le procédé de fabrication. Avec l'aide de plusieurs subventions de recherche, ils ont mené leurs recherches à Mississauga, en Ontario, en louant des locaux de laboratoire et en mettant à l'essai des installations et des services d'ingénierie au Centre de recherche Xerox. Après plusieurs années de développement, une installation de production, composée principalement d'un réacteur, d'équipements de filtration et de dispersion, et d'un séchoir-atomiseur, a été construite sur le site de l'usine de pâte à papier Temiscaming de Rayonier, et a été démarrée en 2021. L'usine a une capacité nominale de 250 tonnes par an, ce qui devrait suffire pour approvisionner leur premier client commercial, Croda, un acteur de renommée internationale dans l'industrie cosmétique.

Croda s'intéressait au produit depuis plusieurs années, en raison de son potentiel en tant qu'alternative biodégradable naturelle aux poudres texturisantes de plastique et de silice utilisées dans les cosmétiques et les produits de soins personnels. Un accord de distribution et de développement avec Croda a été signé en novembre 2020. Croda prévoit commercialiser le produit CNC sous la forme de microbilles ChromaPur™, une « poudre texturante biodégradable » pour les produits cosmétiques, avec un lancement prévu au 2e trimestre de 2022.

MF 14juin22 3Vous vous interrogez peut-être sur le nom et le logo d'Anomera. En tant que chimiste et amant des énigmes de mots, j'ai dû demander à Morse comment ils en sont arrivés là. Si vous regardez le logo de l'entreprise présentée ici, vous noterez que l'hexagone représente la forme tridimensionnelle d'une molécule de sucre, comme le montre sa structure dans l'image précédente. Le point bleu représente l'atome de carboxyle du groupe C6 sortant du plan hexagonal de la molécule et la ligne violette pointe vers cet atome de carbone. Comme beaucoup de composés chimiques organiques, cette molécule peut exister sous la forme de deux anomères, ou images miroirs, qui ont des propriétés légèrement différentes, déterminées par la position du C6, connu sous le nom de carbone anomérique. D'où “anomer” plus la lettre “a” donne Anomera.

Les recherches d'Anomera se poursuivent, d'autres nouveaux produits étant en développement, non seulement pour l'industrie cosmétique, mais aussi comme véhicule efficace d’administration de médicaments et comme produit pour améliorer la performance du béton, entre autres possibilités.

L'entreprise a déménagé dans de nouveaux bureaux au centre-ville de Montréal au début de 2021, y compris son propre laboratoire d'applications, ses bureaux et son usine pilote. En décembre 2021, l'entreprise comptait 32 employés à temps plein.

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Martin Fairbank a travaillé dans le domaine de la foresterie pendant 31 ans, y compris de nombreuses années pour un producteur de pâtes et papier et deux ans avec Ressources Naturelles Canada. Détenteur d'un PhD en chimie et d'une expérience en amélioration de procédés, développement de produits, gestion d'énergie et de production rentable, Martin est actuellement un conseiller indépendant basé à Montréal. Il est également écrivain et a publié récemment Resolute Roots qui relate les 200 ans d'histoire de la compagnie Produits forestiers Résolu et de ses prédécesseurs.

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