Le rôle des enzymes dans un avenir de bioraffinage

Image : archives LMP

Martin Fairbank
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Le prix Nobel de chimie 2021 a été décerné à Benjamin List et David MacMillan, qui ont découvert indépendamment les organocatalyseurs il y a environ 20 ans.

Il s'agit de molécules organiques relativement simples, généralement moins chères et moins toxiques que les catalyseurs à base de métal qui sont utilisées, par exemple, dans le « craquage » du pétrole brut pour produire des produits pétrochimiques à haute température et pression. Les organocatalyseurs sont inspiré par l'observation des processus catalytiques naturels utilisés par les enzymes. On pense qu'environ 75 000 enzymes différentes existent dans le corps humain, fonctionnant à la pression atmosphérique et à 37 °C. Chaque enzyme est conçue pour une réaction chimique spécifique; elles ont été comparées à des clés qui déverrouillent des processus spécifiques.

MF 25nov21 2David MacMillan (à gauche) et Benjamin List se partagent le prix Nobel de chimie 2021 pour le développement des organocatalyseurs. Crédit : Université de Princeton, Sameer A. Khan/Fotobuddy ; David Ausserhofer/Société Max Planck/UPI/Shutterstock

Depuis plusieurs décennies, les enzymes sont exploitées industriellement dans des domaines tels que la boulangerie, la fabrication de la bière, les textiles, la transformation des aliments, les détergents et la production d'aliments pour animaux. Au cours des 20 à 30 dernières années, les enzymes ont également trouvé leur place dans les procédés de fabrication de pâtes et papiers. Parmi les traitements enzymatiques qui ont été commercialisés dans l'industrie des pâtes et papiers figurent les xylanases pour aider au blanchiment de la pâte kraft, les lipases pour décomposer la poix et diverses enzymes qui agissent sur la cellulose et l'hémicellulose pour aider les processus tels que le désencrage et le raffinage à faible consistance.

Au début des années 1990, un traitement fongique pour les copeaux de bois, nommé « biopulping », a été essayé pour réduire la teneur en poix du bois et prévenir le « bleuissement » causé par la croissance d'un champignon de couleur bleue d'origine naturelle. Les connaissances sur les champignons de la pourriture blanche, capables de décomposer le bois en sécrétant des enzymes telles que les peroxydases et les laccases, ont conduit au développement de ce traitement. Le traitement a nécessité un temps de culture de plusieurs semaines. Un essai à l'échelle de l'usine a eu lieu dans la cour à bois de l'usine de papier journal de Bear Island, en Virginie, et outre les avantages d'une réduction de la poix et d'une meilleure brillance, il y a eu d’importantes économies d’énergie dans le processus de raffinage de la PTM. Le temps nécessaire pour traiter les copeaux n'était cependant pas acceptable dans un contexte industriel, et la technologie n'a pas été poussée plus loin.

De nombreux travaux ont été menés pour développer des enzymes permettant de produire de l'éthanol cellulosique comme carburant de transport, principalement à partir de biomasse agricole mais aussi de certains feuillus, au début des années 2000 et 2010, avec l'aide d'incitatifs gouvernementaux. L'un des plus gros producteurs, Abengoa, s'est allié avec le producteur d'enzymes Dyadic pour l'une des étapes les plus difficiles : la conversion de la biomasse en sucres. Après avoir évité l'insolvabilité en 2016 en restructurant sa dette, Abengoa a déclaré faillite en février 2021. Bien que cette expérience ait permis de réduire le coût de production industrielle d'enzymes à grande échelle, l'une des leçons à en tirer est qu'il est difficile pour une technologie relativement nouvelle de concurrencer un produit de base dont les prix sont volatiles comme le carburant de transport. Le développement de produits de plus grande valeur avec des marchés plus petits est une stratégie moins risquée.

En 2008, une petite entreprise finlandaise appelée Metgen (acronyme de Mastering Enzyme Technologies and Genetic ENgineering) a été fondée, avec pour mission de « donner aux industries les moyens de maximiser la valeur de la biomasse ». En collaboration avec le Bio-Based Industries Consortium, un partenariat public-privé avec l'Union européenne qui a investi 3,7 milliards d'euros dans l'innovation biosourcée entre 2014 et 2020, Metgen a développé avec succès plusieurs traitements enzymatiques spécialisés pour les procédés de traitement de la biomasse. Cela a conduit non seulement à des cocktails d'enzymes qui peuvent atteindre la réduction d'énergie au procédé de PTM démontrée par le « biopulping » il y a 30 ans avec des temps de traitement compatibles avec ceux de l'industrie, mais aussi à des enzymes qui facilitent l'hydrolyse, la conversion du sucre, la dépolymérisation de la lignine et de nombreux autres processus nécessaires pour créer une véritable bioraffinerie où la biomasse est la matière première pour fabriquer une gamme de produits chimiques et de polymères.

Il a fallu des millions d'années pour former du pétrole à partir de la biomasse morte, et depuis le milieu des années 1800, nous utilisons ces réserves pour l'énergie et les produits pétrochimiques. Lorsque cet héritage sera dépensé, nous n'aurons guère d'autre choix que d'utiliser la biomasse durable comme matière première si nous voulons profiter des mêmes produits. L'exploitation des enzymes de la nature et du génie génétique pour débloquer les différents processus nécessaires au fonctionnement des bioraffineries permettra non seulement cela, mais réduira l'extraction énergivore des métaux pour la catalyse actuellement requise pour les raffineries pétrochimiques. Attendez-vous à en entendre plus concernant les traitements enzymatiques de la biomasse à l'avenir !


Martin Fairbank a travaillé dans le domaine de la foresterie pendant 31 ans, y compris de nombreuses années pour un producteur de pâtes et papier et deux ans avec Ressources Naturelles Canada. Détenteur d'un PhD en chimie et d'une expérience en amélioration de procédés, développement de produits, gestion d'énergie et de production rentable, Martin est actuellement un conseiller indépendant basé à Montréal. Il est également écrivain et a publié récemment Resolute Roots qui relate les 200 ans d'histoire de la compagnie Produits forestiers Résolu et de ses prédécesseurs.

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