Entrevue avec Wendy Rodriguez Castellanos, chercheuse principale chez Innofibre – Centre d’innovation des produits cellulosiques
Au cœur de l’innovation en produits cellulosiques, Wendy Rodriguez contribue à faire d’Innofibre un acteur clé dans la recherche appliquée et le développement durable. En combinant rigueur scientifique, collaboration internationale et partenariats industriels, elle illustre comment la science peut transformer concrètement les défis environnementaux en solutions innovantes.
LMP : Wendy, à quel niveau de recherche êtes-vous impliquée chez Innofibre ?
Wendy Rodriguez : Je suis chercheuse principale. Cela signifie que je peux prendre en charge un projet de recherche du début à la fin : identifier les besoins de nos partenaires industriels, concevoir des solutions, chercher des financements – publics ou privés – et assurer le développement technique. Notre rôle est de réduire les risques pour l’industrie en testant de nouvelles approches ou en adaptant des technologies à de nouvelles matières premières.
LMP : Vous mentionnez les partenaires industriels. Jusqu’où va cette collaboration ?
W.R. : Nos partenaires sont souvent au cœur de nos projets. Certains développements sont confidentiels, mais quand la recherche est autonome, nous pouvons publier nos résultats dans des revues spécialisées ou les présenter dans des conférences scientifiques. C’est ainsi qu’on nourrit le dialogue avec la communauté mondiale.
LMP : Vous avez mené un projet sur le recyclage textile. Ce secteur attire-t-il l’intérêt de l’industrie ?
W.R. : Oui, absolument. C’est un champ de recherche fascinant, car la gestion des déchets textiles représente un enjeu majeur. Ce projet est né de réflexions internes sur la pâte moulée – mon domaine principal. Nous sommes cinq chercheurs à y travailler. Ce type d’initiative nous permet d’explorer des débouchés inattendus et d’imaginer de nouveaux cycles de valorisation pour les fibres.
LMP : Justement, où en est la recherche sur la pâte moulée chez Innofibre ?
W.R. : Nous avons fait beaucoup de progrès. La pâte moulée est un matériau très prometteur, notamment pour les emballages alimentaires ou de consommation. On travaille sur les barrières, la performance mécanique et la recyclabilité. Nous cherchons aussi à optimiser les procédés de séchage pour réduire les coûts et améliorer l’efficacité énergétique.
Le nouveau bâtiment d’Innofibre accueille les équipements destinés à la valorisation des résidus de production et post-consommation, au conditionnement et la caractérisation de la biomasse, à la conversion thermochimique, ainsi que de nouveaux équipements pilotes.
LMP : Cela signifie-t-il que la pâte moulée est prête pour la commercialisation ?
W.R. : On s’en approche. Certains partenaires testent déjà nos solutions pour remplacer des fibres ou des additifs chimiques. Mais notre rôle reste la recherche ; la commercialisation revient à nos partenaires. Chaque application – alimentaire, industrielle ou autre – demande encore des ajustements précis.
LMP : Vous travaillez aussi sur les barrières ?
W.R. : Oui. Nous développons des méthodes d’application de barrières naturelles, sécuritaires et recyclables. Nous avons un équipement semi-pilote unique : un système à double bassin et un bras robotisé permettant d’appliquer des couches barrières par pulvérisation. C’est un atout pour adapter la pâte moulée aux nouvelles exigences réglementaires.
LMP : Vous revenez d’une conférence internationale en Suède. Qu’en retenez-vous sur les tendances mondiales ?
W.R. : L’Europe est arrivée à maturité dans le domaine des fibres moulées : les technologies y sont très avancées. En revanche, l’Amérique du Nord représente un immense potentiel de croissance. Il faut maintenant adapter ces technologies européennes à nos réalités industrielles et économiques.

LMP : Quels sont les grands défis pour la suite ?
W.R. : La performance et le coût. La pâte moulée reste plus lente à produire que le plastique, donc il faut améliorer la productivité. Certains équipementiers, comme PulPac, travaillent déjà sur ces aspects. Il faut aussi garantir la recyclabilité, surtout avec les législations européennes qui imposent aux fabricants de prendre la responsabilité de leurs emballages post-consommation.
LMP : Où se situe Innofibre dans ce contexte international ?
W.R. : Nous sommes très bien positionnés. Nos installations, nos équipements et nos collaborations nous placent parmi les acteurs les plus avancés en Amérique du Nord. Nous avons des liens croissants avec des centres de recherche européens et des partenaires industriels internationaux. Notre force, c’est d’allier recherche appliquée et innovation ouverte.
LMP : En conclusion, que retenez-vous de votre expérience à l’international ?
W.R. : Qu’Innofibre a toute sa place dans la transition vers les emballages durables. Nous avons le savoir-faire, les outils et la vision. Et surtout, nous croyons au partage : la recherche ne progresse que lorsqu’elle circule.
Innofibre, basé à Trois‑Rivières, est un centre de recherche appliquée dédié à l’innovation dans la pâte, le papier et les produits biosourcés. Il accompagne l’industrie papetière et la bioéconomie dans le développement de solutions durables et innovantes.


