L'ADN des arbres : du sexe aux violons

- Source : archives, LMP

Martin Fairbank
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Il y a quelques années, j'étais sur un belvédère au bord d'une route en Utah et je regardais une pente couverte de peupliers dont les feuilles commençaient à jaunir dans l'air froid d'octobre.

Un panneau d'interprétation soulignait que, bien que différentes nuances de jaune puissent être observées dans différents groupes d'arbres, tous les arbres de chaque groupe avaient exactement la même nuance de jaune. La raison : les peupliers peuvent se reproduire de manière asexuée à travers leurs systèmes racinaires, se clonant essentiellement eux-mêmes de sorte que tous les arbres d'un groupe ont le même ADN. Cela signifie qu'ils réagissent exactement de la même manière à la baisse de température qui se produit chaque automne.

La plupart des arbres forment de nouveaux arbres par multiplication sexuée. Le pollen d'une fleur se dépose sur le stigmate d'une autre et des graines sont produites. Cela peut se produire chez les peupliers, mais c'est plus difficile parce qu'ils sont unisexués, c'est-à-dire qu'un arbre est soit mâle, soit femelle, et donc les peupliers dans un peuplement cloné seraient tous du même sexe.

Comme les bovins laitiers ou les chevaux de course, les arbres peuvent être sélectionnés pour des caractéristiques supérieures, et cette stratégie a été adaptée par le Brésil pour les eucalyptus au cours des quarante dernières années. Des hybrides sont sélectionnés pour des caractéristiques telles que la résistance aux maladies, une meilleure qualité de bois et une croissance plus rapide, puis les hybrides résultants sont clonés pour la foresterie de plantation. À titre d'exemple du succès de ce programme stratégique de sélection, le rendement en bois des plantations d'eucalyptus au Brésil est passé de 27 m3/ha/an dans les années 80 à 44 en 2015.

Avec ma formation en chimie, j'ai tendance à penser que les arbres ne contiennent que de la cellulose, de l'hémicellulose et de la lignine. Entre le vieux bois et l'écorce, cependant, se trouve la partie vivante de l'arbre, le cambium, où le nouveau bois pousse et où réside l'ADN de l'arbre. L'ADN d'un arbre peut être déterminé aujourd'hui à partir d'environ 2 g de sciure de bois provenant de son bord extérieur. Comme le sait tout fan d'émissions télévisées telles que CSI, les tests ADN peuvent maintenant être effectués rapidement sur des suspects humains et comparés à des preuves d'une scène de crime. Disponibles depuis 2010, les tests rapides ADN  automatisés sur des humains peuvent produire des résultats en 90 minutes environ à partir d'un frottis buccal, un test qui prenait auparavant des semaines ou des mois. Cela s’est traduit par une amélioration considérable de l’efficacité des systèmes de justice pénale pour prouver la culpabilité ou l'innocence.

Pour la première fois en 2021, des tests ADN réalisés sur un arbre  particulier ont été utilisés pour appréhender une personne qui récoltait des arbres illégalement. Justin Andrew Wilke et une équipe d'associés ont mené une opération d'exploitation forestière illégale dans la forêt nationale olympique de l'état de Washington, aux États-Unis, entre avril et août 2018. Le groupe a enlevé des érables très prisés, utilisés pour produire des instruments de musique tels que des violons et des guitares, et a contrefait des permis pour vendre le bois. Lors du procès, une preuve a été présentée démontrant que le bois vendu par Wilke était génétiquement compatible avec les restes de trois érables braconnés découverts dans la forêt par les enquêteurs. L'analyse de l'ADN était si précise que la probabilité que la correspondance soit fortuite était d'environ 1 sur 1 sextillion (1 suivi de 36 zéros). Wilke a été condamné à 20 mois de prison en novembre 2021, a reçu une ordonnance de confiscation du produit de son braconnage illégal et a été tenu de rembourser le US Forest Service. Une victoire pour la science des arbres et une nouvelle arme pour protéger la foresterie durable !


Martin Fairbank a travaillé dans le domaine de la foresterie pendant 31 ans, y compris de nombreuses années pour un producteur de pâtes et papier et deux ans avec Ressources Naturelles Canada. Détenteur d'un PhD en chimie et d'une expérience en amélioration de procédés, développement de produits, gestion d'énergie et de production rentable, Martin est actuellement un conseiller indépendant basé à Montréal. Il est également écrivain et a publié récemment Resolute Roots qui relate les 200 ans d'histoire de la compagnie Produits forestiers Résolu et de ses prédécesseurs.

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