Usine Rolland : Une première femme dirige la grosse machine à papier

Annick Courtemanche est la première femme à diriger la plus grosse machine de la Rolland. (Photo : Nordy - Sébastien Fleurant)

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Fait rare dans le domaine des papetières, Annick Courtemanche est devenu la première femme à diriger la machine no. 8, soit la plus grosse de la papetière Rolland à Saint-Jérôme.

Elle a commencé à faire du remplacement sur cette machine en 2014, mais elle a obtenu le poste permanent le 29 septembre dernier.

En avril 2024, ça fera 24 ans qu’elle travaille à la Rolland. « J’ai commencé à 22 ans. Mon père travaillait à l’usine. Je voulais essayer. Et mon père a proposé ma candidature », explique Annick. « Il y avait des femmes qui commençaient à travailler à l’usine. Elles n’étaient pas capable de faire le travail. J’ai fait la suggestion de prendre Annick. Je savais qu’elle était capable physiquement et qu’elle avait le caractère pour travailler avec des hommes. Puis, je savais qu’elle ne s’en laisserait pas imposer », a souligné son père, Michel Courtemanche. 

Elle a commencé à travailler sur les machines et a gravi les échelons jusqu’à devenir première main sur cette machine. C’est donc elle qui la dirige. Son père savait que si elle passait les deux premiers échelons, elle se rendrait au bout. « Ça n’existait pas des femmes qui travaillaient les machines à l’usine et surtout pas qui les dirigent. On considérait qu’elles n’étaient pas capables de travailler physiquement sur les machines et c’est effectivement très rare », nous relate Mario Fauteux, conseiller municipal et retraité de la Rolland. On le surnomme l’historien non-officiciel de la Rolland. 

« Être la seule femme dans un milieu d’hommes, ce n’est pas toujours évident. Elle était capable de se défendre et je ne voulais pas m’en mêler. Une fois, j’ai parlé et j’ai demandé à un gars d’être plus ouvert à ce qu’une femme travaille. Par la suite, quand j’ai pris ma retraite, je n’étais pas inquiet pour elle. Je suis très fier d’elle ! », rapporte son père. 

Annick nous explique qu’il y a une autre femme dans l’usine qui travaillait sur les tests auparavant. Elle a été transférée à la suite d’une coupure de poste. Elle est quatrième main et prend sa retraite cet automne. 

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« Retourne à tes chaudrons »

Il y a 24 ans, ce n’était pas fréquent de voir des femmes travailler dans ce milieu. « Je m’en suis fait dire des affaires, surtout par les plus vieux. « Retourne faire la vaisselle. Retourne à tes chaudrons. Va à l’école. » Maintenant que mes preuves sont faites, je suis une des plus vieilles dans la place et ça se passe bien. Ils voient que je suis capable de faire la job, mais c’est certain que ce n’est pas tout le monde qui fait la part des choses. Il y a toujours des exceptions. Il ne faut pas être susceptible ! », se rappelle Annick.

« Il y a des gars que je connais qui ne pourraient pas faire le travail. Il faut avoir une bonne endurance, c’est très physique. La machine no. 8 est la fabrication de la matière première qu’est le papier. Comme opération, je dois m’assurer que tout est bien placé et en bonne condition pour réaliser une belle qualité de produit. On commence en bas de l’échelle et j’ai gravi tous les échelons », explique-t-elle.

Ainsi, comme l’entreprise fonctionne par ancienneté, elle a obtenu le poste quand son tour est venu. « Je ne suis pas compétitive, mais j’aime le travail que je fais. De plus, ce sont de bons salaires. »

Annick a toujours eu le soutien de ses parents tout au long de sa carrière. Sa fierté est d’avoir réussi à s’acheter seule une maison, quelques années après être entrée à l’usine. Il lui reste 12 ans à faire pour arriver à sa retraite. « Mon père a terminé sa carrière comme première main sur la machine no. 7 en 2005. »


Un peu d’histoire

Dans le cadre du 125e anniversaire de la Rolland en 2007, Mario Fauteux avait contribué avec le journal Le Nord pour un cahier spécial dans lequel on relatait des faits historiques.

En voici un extrait tiré de l’un de ses textes : « À ce moment-là (on parle des années 50), on retrouvait 140 demoiselles qui travaillaient au finissage. Des demoiselles, car il ne fallait pas que l’industrialisation empêche la famille. Et, c’est pourquoi, dès qu’elles se mariaient, elles devaient quitter automatiquement leurs emplois. Pas besoin de vous dire qu’elles avaient plusieurs prétendants et qu’au moment de la pause, plusieurs se retrouvaient avec leurs cavaliers sur la passerelle des amoureux. Cette pratique de perte d’emploi sera finalement abolie dans les années 60. »   


L'article original a paru dans Journal Accès + Le Nord