Entrevue avec Christophe Lloret-Linares, Directeur Général de La Rochette Cartonboard

Christophe Lloret-Linares est directeur général de La Rochette Cartonboard depuis juillet 2022.

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Cet article a été publié originalement dans L'Info Carton.

Quelles sont les spécificités du site de La Rochette Cartonboard ?

Christophe Lloret-Linares : Le site a été fondé en 1873 au pied du massif de Belledonne. Son implantation est concomittante à l’établissement de la ville de La Rochette. Qui plus est, nous sommes dans une région traditionnelle de  papetiers. Les habitants de la commune de La Rochette restent très attachés à l’usine qui voit passer aujourd’hui la cinquième génération de collaborateurs.

Nous produisons exclusivement des cartons pliants FBB de type GC2 à partir de nos deux machines à papier. Le site présente l’intérêt d’être intégré en pâte. Cette pâte de bois mécanique, biosourcée, provenant directement de copeaux dans un rayon de 150 km, constitue le cœur de nos cartons multicouches. Les couches extérieures sont produites à partir de pâte chimique soigneusement sélectionnée.

Rochette 23mar23 2L’usine de La Rochette célèbre cette année son 150ème anniversaire [crédit photo Rochette Cartonboard]

Le site, détenu par Cascades puis par Reno de Medici, a été repris par le fonds Mutares, spécialisé dans le retournement des entreprises. Qu’en est-il après 18 mois ?

La problématique de La Rochette n’était pas une problématique de retournement A son arrivée, PierreYves Guégan, mon prédécesseur, a mis l’accent sur la fiabilisation de l’outil de production et sur la structuration de notre équipe commerciale.

En effet, RDM, le précédent actionnaire, disposait de sa propre force de vente. Nous avons aujourd’hui une solide équipe d’une dizaine de collaborateurs. Avec le soutien de Mutares, La Rochette Cartonboard a retrouvé des marges  d’investissement, 5 à 6 M€ par an, que nous consacrons à la reconquête de notre indépendance énergétique.

En quoi consistent ces investissements concrètement ?

La première tranche d’investissement a été consacrée à la modernisation de la machine à carton appelée (BM3). L’installation d’un nouveau cylindre pick-up et de nouveaux sécheurs avait pour objectif de fiabiliser la production tout en diminuant nos consommations d’énergie. Notre centrale biomasse (la première installée en France dans notre secteur) va également être équipée d’une toute nouvelle turbine, livrée en décembre dernier. Cet investissement va nous permettre d’augmenter l’efficacité énergétique de notre chaudière, et, là aussi, de réduire nos appels au marché de l’énergie.

Une autre tranche d’investissement serait, semble-til, déjà prévue.

Il s’agit toujours de réduire notre dépendance aux variations des cours de l’énergie. L’usine consomme en moyenne 170 K.MWh par an dont une fraction, 30 K.MWh, est assurée par notre chaudière biomasse. Le premier levier à notre disposition, la réduction des consommations, ne suffit pas. Nous cherchons également à changer notre mix énergétique. Un premier projet vise à équiper un terrain nous appartenant d’une ferme photovoltaïque de 3,5 hectares. Un  second projet pourrait nous permettre d’exploiter une turbine hydroélectrique sur le Joudron, cours d’eau qui longe l’usine.

Comment avez-vous abordé à partir de l’an dernier la forte hausse des prix de l’énergie ?

Nous avons connu des périodes difficiles en 2022 alors que le cours du MWh a parfois dépassé les 1 000 €, très loin des 50 € le MWh auxquels les industriels ont été longtemps habitués. La situation a été rendue plus complexe car nous n’avions plus accès au tarif réglementé de l’Arenh, les droits ayant été cédés par l’ancien actionnaire. Nous sommes parvenus à passer ce cap car nous avons pu compter sur nos clients les plus fidèles. Depuis, nous avons recouvert ces droits Arenh et la part du marché spot a été ramenée à 40 %. Cela s’accompagne d’une politique d’optimisation de nos d’achats d’énergie à terme (hedging).

Rochette 23mar23 3[crédit photo Rochette Cartonboard]

Bénéficiez-vous d’aides de l’état ?

Malgré notre position d’entreprise électro-intensive, nous n’avons bénéficié d’aucune aide spécifique puisque les différents dispositifs mis en place par l’Etat flèche plutôt vers les TPE. Quant aux dispositifs auxquels nous pourrions prétendre, les critères d’éligibilité sont particulièrement restrictifs. Certaines aides ne concernent que les entreprises qui ne produisent pas elles-même de l’énergie. D’autres imposent des taux d’augmentation des prix de l’énergie d’au moins 50 %. Nous bénéficions du Tarif d’acheminement de l’électricité (TURPE) qui implique dans son utilisation, un certain nombre doptimisation : produire par exemple notre pâte le week-end.

Comment vous situez-vous par rapport à la concurrence sur le marché des FBB ?

Sur les cartons pliants fibres vierges, l’essentiel de la concurrence vient des groupes scandinaves qui bénéficient d’un accès plus facile et plus économique à l’énergie. Sur le marché des cartons GC2, nous restons donc un petit intervenant du marché et un challenger. En revanche, notre usine est avantageusement placée pour servir la moitié sud de l’Europe, d’autant qu’elle est la seule dotée d’une telle capacité (150 Kt). La France reste notre premier marché géographique mais notre croissance se fait aussi avec l’Espagne et l’Italie.

La Loi Agec a-t-elle contribué à dynamiser vos ventes sur certains segments de produits ?

Pour l’instant, son impact sur notre activité reste marginale car nos cartons FBB restent incontournables dans les applications pharma et alimentaires. Celles-ci utilisent aujourd’hui moins le matériau plastique.

Rochette 23mar23 4Sortie des bobines en aval de l’une des deux BM. [crédit photo Rochette Cartonboard]

Quels sont vos principaux marchés clients ?

Nous servons principalement le marché de la pharma (45 % du chiffre d’affaires) et l’alimentaire (45 %) ainsi que des applications dans le luxe. Nos recherches et les nouvelles opportunités offertes par l’évolution des packagings et des contraintes sur des solutions concurrentes (plastique) sont des moteurs de notre développement sur de nouveaux segments.

Comment voyez-vous l’année 2023 ?

Notre marché va connaître un premier trimestre difficile : demande atone, stocks élevés, coûts encore très élevés. Mais nous sommes en position pour nous développer sur de nouvelles zones géographiques, tout en renforçant la  qualité de nos produits et de nos services. Nous fêtons les 150 ans de notre entreprise, cette année, et comptons bien réaliser des projets qui vont conforter notre position d’acteur inconrournable sur nos marchés.

Qu’attendez-vous de votre récente adhésion à Pro Carton ? Comptez-vous participer aux Excellence awards ?

Pro Carton est un acteur qui se relève essentiel pour le développement de nos marchés et de nos produits. Au-delà de la réflexion avec les intervenants majeurs du marché, Pro Carton se positionne aussi comme un défenseur de nos  intérêts et un représentant dynamique de la profession au niveau des instances européennes, ce qui est essentiel pour le futur de nos métiers. Pour ce qui est des Excellence Awards, nous étudions avec certains de nos clients, la possibilité de mettre en avant de belles nouveautés.


Une capacité de production de 150 kT/an

L’usine de La Rochette Cartonboard présente la particularité d’être totalement intégrée, depuis la production de pâte mécanique (utilisée pour les couches internes du carton) jusqu’à la découpe. En plus de ses deux machines à papier, le site dispose de six coupeuses et d’une ligne de découpe au format. Les livraisons peuvent ainsi être conditionnées sous la forme de bobineaux ou de feuilles. L’entreprise produit majoritairement des cartons GC2 fibres vierges pour deux principaux marchés, la pharma et l’alimentaire. Ses produits phares, le RochCoat, le RochFreeze et le RochPerle, présentent des structures similaires : pâte mécanique à l’intérieur et pâte chimique blanchie à l’extérieur. Ces trois produits se caractérisent également par un double couchage renforcant les aptitudes à l’impression et au vernis. La blancheur atteint ici 90 %.
https://larochette-cartonboard.com/fr/