La Rochette Cartonboard : une industrie qui cartonne

Crédit photo : La Rochette Cartonboard

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Depuis sa création en 1873, la cartonnerie de la Rochette se développe en osmose avec son territoire.

Son épopée industrielle fait l’objet d’un ouvrage collectif écrit par ses acteurs d’hier et d’aujourd’hui.

À La Rochette (73), rares sont ceux qui n’ont pas de lien avec les cartonneries. Plusieurs générations d’une même famille y travaillent souvent. « En 1973, avant le premier choc pétrolier, l’usine employait 1 083 personnes et représentait environ 3 500 emplois indirects », rappelle Roland Magdinier, ancien secrétaire du comité d’établissement.

Racontée dans l’ouvrage collectif consa­cré aux 150 ans de l’usine qui a été présenté cette semaine, l’histoire commence en juin 1873, avec la mise en service d’une fabrique de pâte à papier sur l’ancien site métallurgique de Fourby. Durant cent dix ans, la famille Franck reste aux manettes d’un ensemble industriel, Cenpa La Rochette, puissant et coté en Bourse.

« Le siège social était à Paris mais le berceau en Savoie. Axée sur la production de carton plat, mais aussi de cellulose et d’emballages, l’activité était totalement intégrée, avec une maîtrise complète de la chaîne. Elle employait plus de 5 000 personnes dans six ou sept usines, dont une en Algérie », poursuit Roland Magdinier.

Sauvetage canadien

La belle aventure industrielle est sérieusement mise à mal par le choc pétrolier de 1973, une surproduction mondiale entraînant une chute des prix, un manque d’investissement et de mauvais choix stratégiques…

Le 2 avril 1984, la fermeture de l’usine est annoncée en comité d’entreprise. « J’étais complètement abasourdi », se souvient Roland Magdinier. « Avec un autre syndicaliste, nous avons informé nos collègues. Tous ensemble, nous avons décidé que l’usine continuerait de fonctionner. »

Intersyndicale, salariés, habitants, élus se mobilisent… Même le mandataire judiciaire, Roger Rebut, apporte sa pierre à l’édifice. Il contacte le groupe papetier canadien Cascades, qui est séduit par la détermination des salariés et le potentiel de l’usine.

Rentabilité retrouvée

Officialisée le 1er mai 1985, la reprise ouvre une période de renouveau et de rentabilité retrouvée, avec tout de même des hauts et des bas.

Après des années 2021 et 2022 euphoriques, en raison d’un emballement des commandes, l’inflation et les difficultés économiques de 2023 ont conduit à un fort ralentissement de la demande. « Toute la profession en Europe a été affectée par une baisse de volume de 30 %. Nous avons mis en place un dispositif d’activité partielle de longue durée », précise Christophe Lloret Linares, le directeur général.

Pour gérer sa décroissance (la production a été ramenée de presque 150 000 tonnes à 90 000 tonnes), La Rochette Cartonboard SAS n’a ni remplacé les départs en retraite ni les contrats à durée déterminée, ramenant ses effectifs de 316 à 280 personnes. Le rythme des formations, déjà important, a été accentué, tandis qu’une partie des opérations de maintenance, généralement sous-traitées, a été réinternalisée.

Nouveaux Investissements

Au final, le chiffre d’affaires est tombé de 162 à 100 M€, mais la rentabilité a été maintenue à 9 %. Pour 2024, le marché s’est assaini avec, à fin mars, une avance de 20 % par rapport aux prévisions. Mais les volumes d’avant-crise n’ont pas encore été retrouvés. Et la hausse des prix, due au coût des matières premières, est difficile à faire accepter aux clients.

Très dépendante des coûts de l’énergie, l’entreprise axe une bonne partie de ses investissements sur la transition. Elle a investi 9 M€ en 2022-2023 pour valoriser en énergie la vapeur générée par la chaudière biomasse dont elle dispose depuis 1987.

Cette année, elle lance un plan d’investissement de 10 M€ pour deux fermes photovoltaïques (l’une de 1 GW, l’autre de 3,7 GW). Une partie des travaux devrait être livrée fin 2024.

Un investissement de 1,2 M€ est aussi programmé pour optimiser l’outil de production racheté en 2021 par le fonds d’investissement allemand Mutares pour 28,8 M€.

Ce changement d’actionnaire est intervenu cinq ans après la vente de l’usine au groupe papetier italien RDM, dont Cascades possédait 57 % des parts. Christophe Lloret Linares reconnaît que « chaque changement d’actionnaires crée des inquiétudes » : « Nous savons que Mutares n’a pas vocation à nous garder très longtemps, mais cela fait 151 ans que nous sommes là et gardons le cap. »

Repères

1873

L’usine de pâte à papier est autorisée par un arrêté préfectoral… signé cinq mois après sa mise en service.

1892

Sur le premier cadastre français, le site, qui appartient au manufacturier Maurice Franck, comprend une fabrique de pâte à papier, des réservoirs et une forge.

1896

Le directeur du site, Max Franck, demande la construction d’une nouvelle prise d’eau, afin d’ajouter à la fabrique de pâte à papier une cartonnerie.

1984

Le 2 avril, la fermeture de l’usine, en difficulté financière, est annoncée en comité d’entreprise.

1985

1er mai. Le groupe papetier canadien Cascades reprend l’usine pour 1 franc symbolique et 40 millions de dollars canadiens d’investissement.

2016

La cartonnerie intègre l’Italien Reno de Medici (RDM) et devient RDM La Rochette.

2021

Le fonds d’investissement allemand Mutares rachète le site, qui prend le nom de La Rochette Cartonboard SAS.


Source : ECOMEDIA